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Morbak is back !
27 août 2008

Cabu et Val, duettistes Par Delfeil de Ton Où

Cabu et Val, duettistes

Par Delfeil de Ton

Où l'on voit que Cabu et Val ont pu virer Siné grâce à leurs talents d'hommes d'affaires

Je me suis tout de suite désintéressé de la question. Je n'en ai rien dit. Je n'ai même pas exposé le détail à mes proches. Seulement voilà. MM.Cabu et Philippe Val ont foutu Siné à la porte de leur  journal sous l'accusation infamante d'antisémitisme.

Du coup, de nombreux confrères me demandent comment il a pu se faire que Philippe Val se trouve être directeur de «Charlie-Hebdo». Sur Internet, la même interrogation fuse de toutes parts. Vous voulez savoir comment ça s'est passé? Je vais vous raconter comment je l'ai vu et vécu. Comme on vient de le lire, il ne s'agit pas que de Val, il s'agit de Val et Cabu. Je vous la fais courte.

En 1992, Cabu et Val forment une société pour éditer un hebdo. Ils n'ont pas de titre. Je le sais d'autant mieux que pendant deux jours j'ai passé des heures au téléphone avec Val à en chercher un.

A la veille de paraître, Wolinski dit: «Pourquoi pas Charlie-Hebdo?» C'est parti. Sur la légende du titre, les annonces partout dans la presse, le 20-heures de TF1, etc., 150.000 exemplaires du premier numéro vendus, 200.000, je ne sais. C'est la valeur patrimoniale du titre qui fait le succès immédiat. Pas eu besoin de dépenser un sou et de quoi déjà tenir des mois. Bernier (alias Professeur Choron) proteste mais, en fait, il n'avait pas la propriété, le titre n'ayant jamais été déposé. Procès.

Nous témoignons tous, sur le conseil de l'avocat Richard Malka, que Cavanna a inventé le titre. En réalité, bien malin celui qui pourrait dire qui l'a inventé. Tout le monde a tout de suite pensé à faire un «Charlie-Hebdo», en 70, quand «l'Hebdo hara-kiri» a été interdit, puisque outre le mensuel «Hara-Kiri» on avait un autre mensuel qui s'appelait «Charlie», que j'avais d'ailleurs fondé. Des lecteurs, des confrères, nous le suggéraient aussi mais on ne pouvait rien leur dire pour que les flics ne sachent pas qu'on allait continuer à paraître malgré l'interdiction. Le titre, comme le reste, on l'a inventé tous ensemble.

L'astuce de Malka c'était que, comme il n'y avait pas de propriété commerciale établie, il fallait jouer le droit d'auteur. Donc, tous ensemble, lettres au tribunal, comme un seul homme et tous fabulateurs: «C'est Cavanna qui a inventé le titre». Voilà Cavanna proclamé auteur du titre par le tribunal. Conséquemment, il se retrouve également  propriétaire de la valeur patrimoniale de «Charlie-Hebdo», de la marque «Charlie-Hebdo» comme disent les économistes.

cabu-val.jpg

Arnaud Baumann

Val et Cabu

Pendant ce temps, c'était la société fondée par Cabu et Val, pour un journal sans titre, qui gérait «Charlie-Hebdo». Il fallait donc régler ça. Cavanna souhaite partager sa propriété toute neuve. Un jour, Cavanna, Val et moi, on se retrouve chez Malka. Pour Cavanna et moi, il était notre avocat à tous. En fait, il était l'avocat de Cabu et Val. Nous lui demandons de préparer des statuts à la manière de ce que nous pensions être ceux du «Canard enchaîné»: les sept (dont Cabu) fondateurs encore vivants de «Hara-Kiri hebdo» (notre premier titre), puis de «Charlie-Hebdo», plus Val, seraient propriétaires temporaires à parts égales. Chaque part  reviendrait à un collaborateur du journal choisi par les survivants après chaque décès. Cavanna, que «ça faisait chier» (et moi donc!) me confie le soin de suivre l'affaire.

Les semaines succèdent aux semaines et rien ne vient. Je fais irruption chez Malka. Je lui demande où il en est de ces statuts pour une société. Il me sort un brouillon de charte. J'ai compris qu'on se foutait de nous. Comme, déjà, l'autoritarisme de Val m'était insupportable, sa morgue, sa prétention, à quoi s'ajoutait l'ennui qui régnait dans la salle de rédaction, j'ai foutu le camp sans phrase, après cinq mois de collaboration, me contentant un dimanche de bouclage de ne pas envoyer mon article. Le mardi je recevais par la poste, sans un mot d'accompagnement, un «pour solde de tous comptes». C'était en mars 1993. 

La suite, je ne la connais pas. Je constate que quinze ans plus tard, Cabu et Val se partagent, avec chacun 40% des parts, la société éditrice et une société immobilière, auxquelles sont seuls associés Bernard Maris et leur comptable. Je n'en ai jamais parlé avec Cavanna.

Les lundis de Delfeil de Ton

Vive Siné !

Par Delfeil de Ton

Delfeil de Ton, aux premières loges, vous montre par quel miracle «Charlie-Hebdo» est tombé dans des mains indignes et comment  «le petit monsieur Val» a pu «foutre à la porte le grand monsieur Siné».

«Dans notre monde libéral, les idées finissent toujours par appartenir à ceux qui ne les trouvent pas.» Cette sentence est de M. Philippe Val, penseur contemporain.

Elle figurait en couverture du premier numéro de «Charlie-Hebdo» nouvelle manière lorsque parut sous ce titre, en juillet 1992, un journal qui prétend poursuivre l'ancien, «le vrai», comme disent beaucoup de lecteurs, lequel avait cessé de paraître en 1981. Le titre n'appartenait à personne, il n'avait jamais été déposé là où se dépose la propriété industrielle et commerciale. La poignée de gens qui l'avait fait, moins d'une dizaine, dont je faisais partie, se souciait de faire un bon journal, c'est-à-dire un journal qui les faisait rire. Notre ambition était de rire, de faire rire, et d'en vivre. On n'allait pas voir plus loin. On était des humoristes contemporains.

«Charlie-Hebdo», système libéral ou pas système libéral, ce fut nos idées à tous, on l'a inventé ensemble, sans penseur ni personne.

bal.jpg

A son premier numéro, «l'hebdo», comme nous disons entre nous, les fondateurs, s'appelait «L'hebdo Hara-Kiri». En effet, ce qui nous réunissait, c'était le mensuel «Hara-kiri, journal bête et méchant», au départ duquel on trouve associés, pour l'éternité de l'histoire de la presse, le professeur Choron et Cavanna. Cet hebdo, à cause et grâce à la couverture imaginée par Choron à la mort du général de Gaulle, «Bal tragique à Colombey: un mort», devint «Charlie-Hebdo». Le «Charlie-Hebdo» d'aujourd'hui, même si son directeur de la direction lui nie publiquement toute créativité, doit tout, encore, au professeur Choron. Sans son génie, qui s'est exprimé génialement ce jour de grand deuil pour la France, le «Charlie-Hebdo» d'aujourd'hui n'existerait pas sous ce titre. Il n'aurait pas eu ses premiers lecteurs, qui furent immédiatement très nombreux grâce à la légende sur laquelle il s'appuyait, et qui lui ont donné sur-le-champ des finances florissantes, sans lesquelles, dans notre monde libéral, il ne fait pas bon vivre pour toute publication.

«Dans notre monde libéral, les idées finissent toujours par appartenir à ceux qui ne les trouvent pas.» La sentence de M. Philippe Val, penseur contemporain,  figurait donc en couverture du numéro 1 du nouveau «Charlie-Hebdo». En 2004, lorsque parut un livre, «Les Années Charlie, 1969-2004», qui prétendait retracer l'histoire du journal, cette couverture y fut republiée sur une pleine grande page mais la sentence n'y figurait plus. Le court texte, dans lequel elle se trouvait, avait été supprimé. C'est ainsi qu'on fait l'histoire, au nouveau «Charlie-Hebdo».

C'est pourtant la pensée la plus juste du penseur contemporain mais c'est aussi que le penseur, qui n'a pas trouvé cette idée qui s'appelle «Charlie-Hebdo», pas plus qu'il n'a trouvé cette idée d'appeler un journal «Charlie», cette idée lui appartient aujourd'hui grâce au monde libéral où il navigue avec une si remarquable aisance.

Ces choses, je n'avais jamais pris la peine de les dire. Je me soucie de ce Charlie-Ersatz comme d'une guigne, je ne le lis pas.

Siné biblio.jpg

© Arnaud Baumann

Siné

Seulement voilà: le petit M. Val a foutu à la porte le grand M. Siné. Siné n'est pas un ami, à peine un copain, mais je sais que cette accusation d'antisémitisme dont on l'accable n'est qu'un prétexte, je le vois, et je sais que c'est une accusation ignominieuse, destinée à tuer un homme moralement, socialement, professionnellement. Siné, qui a mené le combat anticolonialiste quand il y avait encore des colonies. On les comptait, les journalistes qui ouvraient leur grande gueule en ces années-là. Grand graphiste, grand dessinateur à qui on veut faire porter les bottes de Darquier de Pellepoix. Dans sa 80e année, on assassine Siné. En Corse, on a fait sauter sa maison. Ici, on veut le déshonorer.

Une pétition pour Siné a été signée par 2.000 gens de bien. J'en citerai deux. Edgar Morin qui, à l'âge de 85 ans, en 2006, dut aller jusqu'en cassation pour faire annuler sa condamnation pour «incitation à la haine raciale» sur dénonciation du même milieu qui s'en prend à Siné. Le deuxième: Willem, seul de l'équipe du soi-disant «Charlie-Hebdo», qui a signé au risque de prendre lui aussi la porte. Bravo, Willem. Je t'embrasse.

DDT

D.D.T.

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